Mourir peut attendre – Un James Bond mémorable – Critique

par | Oct 9, 2021 | Critiques

Près de soixante ans après sa création, la franchise James Bond continue de fasciner. La preuve: le vingt-cinquième volet de la saga sort en salles, après de nombreux mois d’attente. Au programme, une nouvelle aventure périlleuse de l’agent 007, qui marquera la dernière apparition de Daniel Craig dans le rôle. Malgré de nombreux problèmes narratifs et une longueur qui se fait parfois ressentir (durée: 2h43), le film réussit à nous emporter dans une nouvelle histoire exaltante, où l’émotion est au rendez-vous.

Bond, James Bond

En 1962, James Bond contre Dr No sort en salles, avec Sean Connery dans le rôle principal. Ce film, adapté des romans de Ian Fleming, lancera ensuite une saga colossale. Il va d’ailleurs mettre en place les codes de la future franchise. Un agent secret britannique débrouillard, classe et séducteur, qui part en mission pour le MI6. Cet espion voyage aux quatre coins du monde pour déjouer une grande menace, et stopper le plan d’un dangereux ennemi…

Avec cette formule récurrente, la série de films se développe et perdure au fil des années.

Image de Sean Connery, le premier acteur à incarner James Bond

À l’épreuve du temps

Si la saga James Bond fascine, c’est notamment grâce à sa longévité hors norme. Car nombreuses sont les franchises qui, après quelques épisodes, s’éteignent, en ne sachant plus où aller. Avec des films aussi codifiés et les changements répétés des acteurs, le public aurait pu se lasser. Mais les cinémas continuent de se remplir à l’arrivée d’une nouvelle aventure de l’agent 007. Pour assurer sa pérennité, la saga peut compter sur la personnalité de ses acteurs, et sur sa capacité à s’adapter à l’époque en cours.

Différents acteurs, différents James Bond

Dans une franchise, reprendre un rôle joué auparavant par un autre acteur est un sacré pari. En effet, comment s’approprier un personnage, que le public associe à un autre comédien? Mais, avec cette saga, le procédé de remplacement a marché. Les différents acteurs qui ont incarné Bond ont pour la plupart réussi à insuffler leur personnalité dans le rôle, renouvelant l’intérêt du public pour le personnage, pendant des dizaines d’années.

Ainsi, les acteurs ayant incarné le personnage sont nombreux:

  • Sean Connery (1962-1971). L’acteur va également revenir dans le rôle en 1983 pour Jamais plus Jamais, un remake du film Opération Tonnerre.
  • George Lazamby (1969). Le comédien incarne James Bond le temps d’un long-métrage, Au service secret de sa majesté, avant le retour de Sean Connery pour le suivant, Les diamants sont éternels (1971).
  • Roger Moore (1973-1985).
  • Timothy Dalton (1987-1989).
  • Pierce Brosnan (1995-2002).
  • Daniel Craig (2006-2021).

Image montrant les différents acteurs à avoir incarné James Bond

Un reflet de l’époque

La  longévité de la saga s’explique également par sa capacité à savoir évoluer avec son temps. À la fois lanceuse et suiveuse de tendances, la franchise a su s’adapter à la géopolitique des différentes époques.

Ainsi, les long-métrages se sont adaptés aux tendances du cinéma, passant progressivement du film d’espionnage au film d’action. Cette évolution se ressent particulièrement dans les années 90, où les longs-métrages de la saga rentrent dans tous les excès des films d’action de l’époque. Au programme: des séquences de combat où la pyrotechnie n’est jamais de trop, et où l’on ne se préoccupe pas du nombre de personnes décimées.

Réinventer James Bond

Le 11 septembre 2001, les attentats du World Trade Center ont eu un fort impact sur les Etats-Unis. Dans une période d’incertitude et de crainte, liée notamment à la question du terrorisme, le cinéma américain va radicalement changer sa manière de traiter ses héros d’action. Désormais, ceux-ci sont plongés dans un univers sombre. Plus vulnérables qu’auparavant, ces personnages dévoilent leurs faiblesses. Leur psychologie est d’ailleurs explorée, les rendant plus humains. Une gravité habite ces protagonistes, qui s’interrogent sur leur statut de machines à tuer. Les agissements des services secrets deviennent également source de questionnements. Une franchise va mettre en avant ce changement de traitement : Jason Bourne. Dans cette nouvelle époque, le James Bond décontracté et séduisant de Pierce Brosnan semble appartenir au passé. Après la sortie du film Meurs un autre jour en 2002 (le dernier avec Brosnan), la question se pose : où emmener la franchise?

L’ère Craig

Jusqu’alors, James Bond avait été un personnage peu approfondi. Dans la plupart des films, il part en mission, séduit des femmes, affronte un méchant et revient au MI6 une fois la tâche accomplie. En dehors de sa fonction et de son charisme, le spectateur sait très peu de choses sur Bond. Pour s’adapter à son époque, le personnage est réinventé, pour le rendre plus humain et travailler sa psychologie.

Casino Royale sort en 2006, avec Daniel Craig qui incarne pour la première fois le rôle, et se l’approprie totalement. Plus froid et moins bavard que ses prédécesseurs, l’acteur s’impose avec charisme. La saga se relance alors avec succès. Le film marque son public, avec des scènes d’action prenantes et des personnages bien plus développés qu’à l’accoutumée. Avec ce long-métrage, le message est clair: Bond est de retour, et il a changé.

Image de Daniel Craig dans Casino Royale

Les successeurs de Casino Royale

D’autres films succèdent à Casino Royale, avec une qualité variable.

  • Quantum Of Solace (2008). Produit pendant la grève des scénaristes de 2007, le film entre en tournage sans un script complet. Le résultat: un long-métrage oubliable, très critiqué pour ses scènes d’action peu lisibles.
  • Skyfall (2012). Pour ce nouvel opus, le réalisateur Sam Mendes (American Beauty) arrive aux commandes et livre un des James Bond les plus marquants. Le blockbuster se permet d’explorer plus en profondeur le passé et la psychologie de Bond. Avec un très bon scénario, une photographie magnifique et un excellent casting, cet opus est mon préféré de toute la franchise. Réussite commerciale et critique, ce film a récolté plus d’un milliard de dollars au box-office mondial.
  • Spectre (2015). Après le succès du précédent volet, Sam Mendes revient à la réalisation. Mais cette fois, la flamme ne se rallume pas. En dehors d’une première séquence très réussie, l’action paraît molle et peu inspirée. Le succès de Skyfall semble avoir fortement influencé la création de ce nouveau volet, et on sent la volonté de reprendre les ingrédients qui ont fonctionné pour les amplifier. Mais ceux-ci paraissent fades et réchauffés. Même si Spectre a moins bien performé que son prédecesseur, il a récolté 880 millions de dollars au box-office. Après la production très compliquée de ce film, Mendes ne rempilera pas pour l’opus suivant. Quelques années après, Il ira tourner le très bon 1917.

Une production compliquée

Après le succès de Spectre, une suite est mise en chantier. Mais elle connaît (aussi) une production compliquée.

D’abord, Danny Boyle (Trainspotting, Slumdog Millionnaire) est engagé pour mettre en scène le film. Le cinéaste collabore avec le scénariste John Hodge sur une version du scénario. Mais, à cause de différents créatifs avec la production, le réalisateur quitte le projet. Il est rapidement remplacé par Cary Joji Funkunaga. En plus d’avoir réalisé de très bons films comme Sin Nombre et Beasts of No Nation, ce cinéaste est principalement connu pour avoir mis en scène la première saison de True Detective.

Peu après avoir été engagé, Fukunaga se lance dans l’écriture d’une nouvelle version du script, en collaboration avec les scénaristes Neal Purvis et Robert Wade, responsables des scénarios de la saga depuis de nombreuses années. Le tournage du film commence en avril 2019. Dans la même période, la scénariste Phoebe Waller-Bridge retravaille le scénario, pour y rajouter de l’humour et développer davantage les personnages féminins.

Si la sortie du long-métrage est initialement prévue pour avril 2020, la pandémie de coronavirus va venir chambouler le calendrier. Le film est alors repoussé. Décalé en novembre 2021, puis en avril 2021, Mourir peut attendre arrive finalement dans les salles obscures suisses le 30 septembre 2021.

Affiche du nouveau James Bond, réalisé par Cary Joji FukunagaDans Mourir peut attendre, James Bond (Daniel Craig) a quitté ses activités au sein des services secrets. Il profite de sa retraite en Jamaïque. Mais sa tranquillité  est interrompue par son ami de la CIA, Felix Leiter (Jeffrey Wright). Ce dernier demande de l’aide à Bond pour sauver un scientifique qui vient d’être kidnappé…

Expérimentations et surprises

Les bandes-annonces semblaient convier le spectateur à un film James Bond assez classique, avec tous les codes de la franchise. De grandes scènes d’action, une mission qui se déroule aux quatre coins du monde, le retour de certaines figures emblématiques de la saga…

Mais, s’il a pour mission de conclure avec panache l’ère Craig, Mourir peut attendre est également l’épisode des expérimentations et des surprises. Et celles-ci pourraient ne pas être du goût de tous.

Une réalisation aux petits oignons

La première chose qui marque le spectateur, c’est la réalisation de Cary Joji Fukunaga. À l’aise avec sa caméra, le cinéaste filme avec talent des scènes de combat exaltantes. Le long-métrage est rempli de plans iconiques, qui s’impriment dans les rétines des spectateurs.

De plus, quand cela peut servir son récit, le cinéaste n’hésite pas à amener l’imagerie d’autres genres de films. Par exemple, Mourir peut attendre s’ouvre sur une séquence riche en tension, qui emprunte beaucoup d’éléments au cinéma d’horreur. Cary Fukunaga a donc une patte visuelle marquée, ce qui amène une certaine fraîcheur à son long-métrage.

Image tirée du film Mourir peut attendre

Une conclusion émouvante

Si les scènes d’action sont admirablement bien réalisées, elles ne sont pas l’intérêt central du film. Car celui-ci préfère se concentrer sur le développement de ses personnages. Afin de leur donner de l’épaisseur, le scénario reprend des éléments des précédents opus de l’ère Craig.

On suit ici un James Bond plus humain que jamais, tiraillé entre son identité d’agent secret et son désir de vivre une vie normale, avec la femme qu’il aime. Pendant le film, le personnage et le spectateurs s’interrogent: existe-t-il une vie pour Bond en dehors de sa fonction d’espion?

Si l’agent 007 est encore chargé de stopper une grande menace, le fait qu’il doive, en même temps, protéger des personnes chères à son coeur, change la dynamique de l’histoire. En mêlant la mission de Bond à des enjeux humains, Fukunaga insuffle une émotion particulièrement efficace dans le récit, et assez inédite dans le reste de la saga. James Bond n’a sûrement jamais été aussi vulnérable. Si ce traitement du personnage pourra déplaire à certaines personnes, je le trouve très approprié pour terminer l’ère Craig dans un feu d’artifice émotionnel.

Après avoir composé récemment la bande originale de Dune, on retrouve Hans Zimmer au département musique de Mourir peut attendre. Le compositeur signe une partition efficace, qui sublime la réalisation de Cary Fukunaga. Qu’il s’agisse de séquences d’action ou de scènes plus intimistes, la musique assume à fond l’émotion distillée dans le long-métrage. La chanson du générique, interprétée par Billie Eilish, est également un plaisir pour les oreilles.

En ce qui concerne le casting, Daniel Craig livre une excellente performance pour son dernier film de la saga. Le reste du casting lui emboîte le pas, tous paraissant impliqués, au service de cette émouvante conclusion.

Quelques problèmes de narration

Le film a donc de l’ambition et se permet de secouer la formule bien établie de la saga. Cependant, il n’est pas sans défauts. En effet, ce dernier volet doit relancer une nouvelle intrigue pour l’agent 007, y intégrer tous les codes de la franchise, avant de tout conclure. Le long-métrage a donc tellement d’éléments à intégrer dans son récit qu’il se révèle parfois maladroit et peu subtil dans son écriture, n’échappant pas à certaines grosses facilités scénaristiques. Sur ses 2h43 de durée, le blockbuster accuse également quelques baisses de rythme, à cause de son scénario surchargé.

Mais, selon moi, ces problèmes entachent très peu l’expérience de visionnage de ce vingt-cinquième James Bond. Pour ses prises de risques et sa conclusion émouvante, le film impressionne et restera dans les mémoires.

Si Mourir peut attendre est parfois maladroit dans son écriture et dans sa gestion du rythme, il n’en reste pas moins un James Bond maîtrisé sur bien des aspects. Les scènes d’action sont magnifiques et valent à elles seules le déplacement en salles. Très ambitieux, le film n’a pas peur de prendre des risques, ce qui apporte un vent de fraîcheur à la franchise. La dernière aventure de Craig dans le rôle de Bond est une réussite.

Et après?

« James Bond will return ». Cette phrase, inscrite au générique de Mourir peut attendre, rappelle au spectateur que la saga va continuer. D’autres acteurs reprendront le flambeau après Daniel Craig. Mais qui seront-ils? Et comment la saga va-t-elle évoluer? L’avenir nous le dira.

Fiche d'informations du film

Affiche du film Mourir peut attendre de Cary FukunagaTitre : Mourir peut attendre

Titre original : No Time To Die

Genres : Action, Espionnage, Thriller

Réalisateur : Cary Joji Fukunaga

Scénaristes : Cary Joji Fukunaga, Neal Purvis, Robert Wade, Phoebe Waller-Bridge

Acteurs : Daniel Craig, Léa Seydoux, Rami Malek, Lashana Lynch, Ana De Armas, Naomie Harris

Photographie : Linus Sandgren

Musique : Hans Zimmer

Durée : 2h43

Date de sortie : 30 septembre 2021

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