Dans À l’Ouest, rien de nouveau, le cinéaste Edward Berger montre le quotidien infernal des soldats allemands pendant la première guerre mondiale. Émouvant et impressionnant, le film se révèle très convaincant.
À quoi ressemble l’expérience de la première guerre mondiale du point de vue allemand? Au cinéma, les récits de ce conflit ont le plus souvent épousé la perspective des vainqueurs (comme 1917 de Sam Mendes). En 1928, l’écrivain Erich Maria Remarque publie un livre intitulé À l’Ouest, rien de nouveau. La particularité de l’oeuvre: raconter le destin de jeunes soldats allemands lors de la guerre de 14-18. Ce texte connaît ensuite une adaptation américaine en 1930, réalisée par Lewis Milestone. Après cela, hormis un téléfilm en 1979, cette histoire est restée loin des écrans.
Il faut attendre octobre 2022 pour que Netflix ajoute à son catalogue une nouvelle adaptation d’À l’Ouest, rien de nouveau. Il s’agit cette fois d’un film allemand, réalisé par Edward Berger.
Le long-métrage raconte l’histoire de Paul, un jeune soldat allemand pendant la Première Guerre mondiale. En arrivant au front, Paul et les autres recrues voient leur euphorie initiale se transformer en peur et en désespoir. Très vite, ils se retrouvent à défendre leurs vies au fond des tranchées…
J’ai eu la chance de voir ce À l’Ouest, rien de nouveau en salles, et le résultat était saisissant. Dès le début, le film nous plonge dans le quotidien des soldats allemands.
Une immersion dans les tranchées de la première guerre mondiale
Des plans sur une nature calme et apaisée sont rapidement interrompus par des tirs de fusils et de mortiers. La caméra plonge alors dans les tranchées pour suivre un soldat allemand. Sommé de participer à une offensive vers les positions ennemies, il court alors que les balles pleuvent autour de lui.
Pendant un bref instant, on se prendrait à penser que l’on suit le personnage principal du film. Mais on aurait tort. Car après la bataille, on découvre le cadavre du soldat étendu dans la boue. C’est là où le long-métrage montre l’implacable réalité de la guerre. Les vêtements et équipements des morts sont récupérés, lavés et recousus, avant d’être donnés aux prochains soldats à pénétrer sur le front. La caméra de Berger filme avec froideur ce processus déshumanisant de l’industrie de guerre. Dès lors, le spectateur ne se fait plus d’illusions pour les futurs soldats. Avant même d’être arrivés au combat, leurs destins semblent scellés.
Du rêve de gloire à la désillusion
Ensuite, le film introduit ses personnages principaux: un groupe d’étudiants enthousiastes à l’idée de partir en guerre. Mais en découvrant la vie dans les tranchées, ils vont vite déchanter. À l’Ouest, rien de nouveau raconte donc le parcours de ces jeunes hommes aux vies sacrifiées par la guerre. Cette histoire de descente aux enfers est d’ailleurs portée par un excellent casting.
Là où le film brille, c’est dans sa façon de nous plonger dans l’horreur vécue par ces soldats. Viscérales, violentes et intenses, les scènes de combat ne laissent que peu de répit aux personnages. Dans sa réalisation, Edward Berger a recours à de nombreux plans-séquences, ce qui permet de suivre sans coupes certains moments d’action. En plus de renforcer l’immersion, cette technique permet de donner au spectateur l’impression qu’il n’y a aucun échappatoire.
Mais en dehors des scènes de tension, le film s’accorde aussi des moments de répit et de contemplation. Et c’est là que se révèle l’une des grandes forces de la photographie: réussir à faire cohabiter visuellement l’horreur et la beauté à l’écran. L’émotion est donc là, renforcée par la musique du compositeur Volker Bertelmann.
Un scénario surchargé
Si la première partie du film est très immersive, la seconde l’est nettement moins. Car pour donner une perspective globale de la guerre, Edward Berger et ses coscénaristes ont choisi de donner de la place à deux autres personnages allemands:
- Le général Friedrich (Devid Striesow), un militaire déterminé à faire la guerre jusqu’à la fin.
- Matthias Erzberger (Daniel Brühl), un diplomate qui préside la délégation en charge de négocier l’armistice.
Le style de vie de ces deux personnages, qui vivent dans un grand luxe, crée un décalage avec le quotidien des soldats dans les tranchées. Si l’ajout de ces protagonistes amène des points de vues intéressants pour le spectateur, il surcharge un récit déjà bien rempli. Résultat: le rythme et l’immersion des scènes en pâtissent quelque peu.
Cependant, ce défaut représente bien peu de choses dans ce film de guerre émouvant et très bien mené.
À l’Ouest, rien de nouveau est donc une grande réussite. Visuellement et scénaristiquement, le film d’Edward Berger impressionne et émeut. Les acteurs ne sont pas en reste et livrent des performances habitées. Un film de guerre à voir impérativement. Disponible sur Netflix.
Fiche technique du film
Titre : À l’Ouest, rien de nouveau
Titre original : Im Westen nichts Neues
Genre : Film de guerre, film historique, drame
Réalisateur : Edward Berger
Scénaristes : Edward Berger, Lesley Paterson et Ian Stokell, d’après le roman À l’Ouest, rien de nouveau d’Erich Maria Remarque
Acteurs : Felix Kammerer, Albrecht Schuch, Aaron Hilmer, Daniel Brühl
Photographie : James Friend
Musique : Volker Bertelmann
Durée : 2h28
Date de sortie : 28 octobre 2022