Un homme en colère – Un remake qui se distingue de l’original – Critique

par | Juil 4, 2021 | Critiques

Un an après l’excellent The Gentlemen, Guy Ritchie est de retour avec Un homme en colère. Il s’agit d’un remake du film français Le Convoyeur. Avant d’aborder le nouveau long-métrage de Ritchie, il est important de se pencher sur l’original.

Le Convoyeur (2004)

Affiche du film Le Convoyeur (2004)Le film suit le quotidien d’une petite société de transport de fonds, au bord de la faillite. Les employés sont sur les nerfs après une série de braquages particulièrement violents. Dans les locaux, la tension est palpable, certains suspectant même une complicité avec les braqueurs au sein de l’entreprise. C’est dans ce contexte tendu qu’un homme, Alexandre Demarre (Albert Dupontel), arrive pour sa première journée de travail…

Dès la scène d’ouverture, le ton est donné, avec le braquage d’un fourgon qui ne laisse pas de survivants. Cela montre que, dans le quotidien habituellement morne de ces convoyeurs, une attaque mortelle peut survenir à tout moment. Dès lors, une menace semble peser sur les protagonistes.

Une tension qui monte

Le film a été tourné en France avec un budget très limité. Plutôt que de miser sur des scènes d’action, le réalisateur Nicolas Boukhrief installe une tension entre les personnages, qui monte petit à petit. Le film montre la vie de ces convoyeurs, qui craignent de se faire braquer en protégeant de grosses sommes d’argent. L’ironie de leur situation est qu’ils sont sous-payés, mais qu’ils transportent des montants qui dépassent de loin ce qu’ils peuvent gagner en plusieurs années.

Dans un contexte pareil, les convoyeurs ne seraient-ils pas tentés de s’emparer d’une partie du montant? C’est une question qu’explore le film à travers des protagonistes ambigus. Et le plus ambigu de tous est sûrement le personnage d’Alexandre Demarre, interprété avec brio par Albert Dupontel. Comme les autres employés, le spectateur ignore tous des motivations de Demarre. Pourquoi a-t-il commencé à travailler pour l’entreprise ? Aurait-il un lien avec les braquages ? Le mystère autour du protagoniste invite à un jeu de piste des plus intrigants.

Image du film Le Convoyeur, avec Albert Dupontel

Les limites du mystère

Néanmoins, tout ce mystère montre ses limites vers la seconde moitié du film. Quand on se met à comprendre les motivations du personnage, celles-ci sont trop classiques pour réellement surprendre. Le spectateur peut donc se demander pourquoi il y a eu autant de mystère sur une révélation au final assez attendue. Tout le mystère distillé autour du protagoniste semble donc un peu artificiel.

Néanmoins, cela n’empêche pas le film d’être vraiment réussi, notamment grâce à des séquences d’action particulièrement prenantes. Elles sont peu nombreuses, mais leur efficacité en est décuplée. Elles montrent le déferlement de violence soudain auquel sont confrontés les convoyeurs. D’ailleurs, le film se clôture sur un climax sanglant, qui ne laissera personne indemne.

Le Convoyeur est donc un très bon film, avec une intrigue très intéressante, une tension qui monte crescendo, et des acteurs très investis dans leurs rôles.

Fiche d'informations du film

Affiche du film Le ConvoyeurTitre : Le Convoyeur

Genres : Drame, Policier, Action

Réalisateur : Nicolas Boukhrief

Scénaristes : Nicolas Boukhrief, Éric Besnard

Acteurs : Albert Dupontel, Jean Dujardin, François Berléand

Photographie : Dominique Colin

Musique : Nicolas Baby

Durée : 1h29

Date de sortie : 2004

Les remakes américains

Les remakes américains n’ont pas bonne réputation. En général, ils consistent à reprendre une oeuvre, pour en livrer une nouvelle version. Bien sûr, il existe des raisons très louables de faire un remake. Peut-être qu’il s’agit de remettre au goût du jour une oeuvre au propos trop daté. Ou qu’un cinéaste a une idée qui apporte de nouvelles perspectives scénaristiques à l’histoire originale.

Cependant, une partie des remakes sont produits dans un but moins artistique: faire tourner une industrie qui produit et reproduit des succès. Dans cette optique, Hollywood a tendance à reprendre ce qui a marché à l’étranger pour en proposer une version adaptée au contexte américain.

Un problème d’identité

Et c’est là que de nombreux longs-métrages étrangers perdent de leur singularité dans le processus. En effet, les films repris ont une identité propre, qui fonctionne dans un lieu et un contexte social précis. Donc, une fois les œuvres replacées dans un contexte américain, elles perdent souvent de leur pertinence. C’est de cette manière que beaucoup de films perdent en personnalité une fois passés à la moulinette d’Hollywood.

Ce problème d’identité des remakes vient fréquemment du fait que ces films sont écrits en changeant le lieu de l’action, mais en gardant la même trame et les mêmes péripéties. Ils apparaissent donc comme inutiles et redondants aux personnes qui ont vu l’original. Un remake doit donc, selon moi, pouvoir apporter quelque chose à l’œuvre de base, par exemple en lui donnant un nouveau propos ou en emmenant l’histoire vers des directions inattendues.

Néanmoins, il existe également beaucoup de bons remakes, et certains réalisateurs ont réussi à transformer l’essai, insufflant leur identité au film, et renouvelant le propos de l’original. C’est un vrai défi cinématographique, sur lequel de nombreux cinéastes se sont cassés les dents. Comment insuffler de la personnalité à une histoire déjà racontée?

image du film Un homme en colère, réalisé par Guy Ritchie

Un homme en colère (2021)

J’attendais donc avec intérêt et méfiance le nouveau film de Guy Ritchie. Les premières bandes-annonces n’ont pas été très rassurantes. Un homme en colère se présentait comme un film d’action assez générique, avec Jason Statham en tête d’affiche. Un choix qui inquiétait, car l’original misait plutôt sur son ambiance et sa tension. Et cette nouvelle version semblait manquer de personnalité. Heureusement, mes craintes ne se sont pas confirmées lors de la séance de cinéma. Je suis ressorti de la salle très satisfait.

Affiche du film Un homme en colère de Guy RitchieÀ Los Angeles, H (Jason Statham), un convoyeur de fond fraîchement engagé surprend ses collègues par l’incroyable précision de ses tirs de riposte alors qu’ils subissent les assauts de braqueurs expérimentés. Tous se demandent alors qui il est, d’où il vient et pourquoi il est là.

Comment se différencier de l’original?

Pour Guy Ritchie, un des grands défis était de s’approprier l’histoire du Convoyeur, pour en faire une version différente. Le résultat est très convaincant. Ritchie réussit parfaitement à replacer ce récit du quotidien de convoyeurs de fonds et de braquages dans un contexte américain. La réalisation de Ritchie se fait plus sobre, pleinement au service de son histoire. Mais le cinéaste arrive sans problème à affirmer son identité, avec un récit raconté dans le désordre, alternant les points de vue, pour permettre au spectateur de reconstituer un puzzle d’événements. La présence de groupes de gangsters rappelle également les précédents longs-métrages du metteur en scène.

Pour se différencier de l’oeuvre originale, Ritchie a choisi de se focaliser sur les motivations d’une galerie de personnages. Un homme en colère raconte donc l’histoire d’une quête de vengeance qui détruit tout sur son passage, où la violence règne, jusqu’à qu’elle n’ait plus aucun sens. D’ailleurs, le titre original du film, Wrath of Man, semble bien plus approprié que le titre français. Car le long-métrage parle de la rage de plusieurs groupes de personnes, aux destins contrariés, qui s’affronteront inéluctablement, de manière très sanglante.

Image de Jason Statham dans le nouveau long-métrage de Guy Ritchie

Un bon casting

Un des grands points forts du film, c’est Jason Statham. Le reste du casting est également très bon, mais l’acteur britannique, comme à son habitude, vole la vedette. Ce long-métrage marque la quatrième collaboration entre Guy Ritchie et Statham. Le comédien interprète ici ce qui est sûrement l’un de ses rôles les plus intéressants. Il incarne un personnage des plus ambigus. Si au début, le spectateur a envie de se placer du côté du personnage de Statham, la suite va ébranler cette prise de position. Quand Ritchie multiplie les points de vue, à l’aide de flashbacks, il offre l’occasion de redécouvrir le personnage, qui est bien plus complexe qu’il n’y parait…

Le film se met alors à questionner la violence souvent inquiétante du protagoniste. Statham incarne à la perfection ce personnage renfrogné, qui contient sa rage, pour mieux la laisser exploser dans les scènes d’action. Celles-ci sont d’ailleurs bien plus nombreuses et ambitieuses que dans le film original, notamment grâce à un budget plus confortable.

Un homme en colère est donc un remake que je trouve très intéressant, car il choisit de partir dans une autre direction que l’original. Le film trouve son identité propre, pour le plus grand plaisir du spectateur. Hautement divertissant, Le long-métrage tient le spectateur en haleine du début à la fin. Jason Statham y trouve son compte, avec un des meilleurs rôles de sa carrière.

Fiche d'informations du film

Affiche tirée du film Un homme en colèreTitre : Un homme en colère

Titre original : Wrath of Man

Genres : Thriller, Action

Réalisateur: Guy Ritchie

Scénaristes : Guy Ritchie, Ivan Atkinson, Marn Davies, d’après le scénario original de Nicolas Boukhrief et Éric Besnard

Acteurs : Jason Statham, Jeffrey Donovan, Josh Hartnett, Holt McCallany, Scott Eastwood

Photographie : Alan Stewart

Musique : Chris Benstead

Durée : 1h59

Date de sortie : 16 juin 2021

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