Tenet – Le film d’espionnage selon Nolan – Critique

Dans une année 2020 très pauvre en blockbusters, Tenet, le nouveau film de Christopher Nolan, était très attendu. S’il faut plusieurs visionnages pour vraiment l’apprécier, le long-métrage se révèle être une expérience de cinéma fascinante, dans ses qualités comme dans ses défauts.

J’aime beaucoup le cinéma de Christopher Nolan, qui, au fil des années, a réalisé des films tous aussi fascinants et mémorables les uns que les autres. Inception, Interstellar, Dunkerque, la trilogie The Dark Knight… La liste est longue. La particularité de Nolan est sa capacité à combiner au sein du même long-métrage du grand spectacle avec un film d’auteur intimiste. De cette façon, ce cinéaste attire le grand public en salles, faisant de ses oeuvres de grands succès.

Le risque d’une sortie en salles

Avec cette situation de pandémie qui a grandement affecté l’industrie du cinéma, Warner Bros a pris un risque: sortir en salles un blockbuster au budget pharaonique de 200 millions de dollars.

Et derrière cette sortie, plein d’enjeux se cristallisent:

• Faire revenir en masse les spectateurs dans les salles de cinéma.
• Démontrer que les cinémas ont encore un avenir face au plateformes de streaming.
• Envoyer un signal positif aux studios, qui hésitent à sortir leurs productions, de peur de dépenser des millions pour un public qui n’est pas au rendez-vous.

Tenet était donc le test pour Warner Bros et les studios concurrents, afin d’évaluer si le film pouvait être un succès financier, malgré la situation particulière liée à la pandémie. Après quelques semaines d’exploitation du long-métrage, la réponse s’est révélée peu enthousiasmante. Tenet a récolté environ 300 millions de dollars au box-office mondial. Cela paraît bien peu pour rentabiliser le budget du film et le coût de sa campagne marketing. Conséquence: les studios ont une nouvelle fois repoussé les sorties prochaines de leurs blockbusters.

Malgré ce bilan peu rassurant, il est important de souligner le risque pris par la Warner, qui nous offre un des seuls gros événements cinéma de cette année. Car en dehors de Tenet, le grand public s’est retrouvé avec peu d’alternatives, malgré la sortie de Greenland, d’Enragé et des Nouveaux Mutants.

Le film suit un agent secret (John David Washington) contraint de manipuler le temps pour éviter le déclenchement d’une troisième guerre mondiale dévastatrice…

Tenet: le James Bond de Christopher Nolan

Nolan ne l’a jamais caché, il aime beaucoup les films d’espionnage, en particulier la saga James Bond. Pressenti à une époque pour réaliser un opus de la célèbre franchise, le metteur en scène aurait refusé, ne voulant pas être contraint par les nombreux codes à respecter. Avec Tenet, Nolan semble proposer sa version de James Bond. La structure de son blockbuster est très similaire à celle d’un long-métrage de 007. Il s’agit donc d’un film d’espionnage, mais saupoudré des thématiques récurrentes de son réalisateur/scénariste.

Et ce ne serait pas un film de Nolan s’il n’y avait pas un concept jouant avec le temps. En effet, le cinéaste est fasciné par le temps (sa perception et ses effets). Dans Tenet, il introduit un concept temporel ambitieux: l’inversion. Pour faire simple, il s’agit du fait d’aller à reculons dans le temps. Cela permet de donner une nouvelle dynamique aux codes du film d’espionnage.

Plusieurs visionnages

Tenet est une expérience de cinéma très particulière. Je suis ressorti de mon premier visionnage avec un avis très mitigé. L’expérience vécue était celle d’un film confus, où tout va trop vite. Afin de tirer les choses au clair, je suis rapidement retourné le voir. Au moment d’écrire cette critique, j’ai vu le long-métrage trois fois. Et chaque séance m’a permis d’un peu plus l’apprécier.

Le point qui a vraiment divisé le public concerne le scénario du film. Le concept d’inversion temporelle est vraiment intrigant, mais son exécution est plutôt confuse. En effet, Christopher Nolan s’évertue à ne pas donner les clés de son film au spectateur avant un long moment, le laissant vivre pleinement l’expérience des personnages. Ceux-ci, comme nous, sont désorientés, face à des règles temporelles qu’ils ne comprennent pas. Ce n’est qu’au fil de l’intrigue qu’ils vont apprendre à jouer avec le temps. Ce procédé permet à Nolan d’alimenter une réflexion sur la manipulation temporelle. Cela donne une expérience sensorielle très prenante, mais très difficile à appréhender et à digérer à la première séance.

Un revisionnage bénéfique

Cependant, au fil des visionnages, cette expérience se révèle beaucoup plus agréable. En connaissant les tenants et aboutissants du récit, le film devient plus amusant à suivre et les scènes confuses gagnent en clarté. C’est le moment où le scénario de Nolan, finement construit, peut être apprécié à sa juste valeur. Même si des zones d’ombres subsistent, revoir le long-métrage le rend beaucoup plus digeste qu’au premier visionnage.

Cependant, cette volonté de Nolan de créer de la confusion chez le spectateur explique en partie des critiques mitigées du film. Tout le monde ne va pas aller s’aventurer plusieurs fois en salles pour le revoir, surtout si le premier visionnage a été peu satisfaisant. Cela montre la limite de la démarche du cinéaste, rendant Tenet moins accessible au grand public. Ce qui est dommage, car le blockbuster a de nombreuses qualités.

Une réalisation magnifique et un casting impeccable

La réalisation de Nolan est très réussie, notamment dans d’impressionnantes scènes d’action où il joue avec le concept de l’inversion temporelle. Les effets visuels, pour la plupart filmés en vrai, sont magnifiques.

Le casting est également l’une des forces du film. John David Washington et Robert Pattinson incarnent deux personnages charismatiques, prêts à tout pour réussir leur mission. Les interactions du duo sont très divertissantes à regarder. Les protagonistes sont malgré tout peu développés, servant avant tout le scénario.

Une musique marquante

Tenet peut également compter sur l’excellente bande originale de Ludwig Göransson. Le compositeur livre ici une musique avec des sonorités évoquant à la fois le côté moderne du film d’espionnage, et le côté futuriste du film de science-fiction. Les idées musicales se succèdent, jouant beaucoup avec le concept d’inversion temporelle. Cette bande originale apporte beaucoup au long-métrage, plongeant encore plus le spectateur dans l’expérience de cinéma orchestrée par Nolan.

Si Tenet ne figurera pas parmi les meilleurs films de Christopher Nolan, il reste un moment de cinéma fascinant et marquant. Film d’espionnage doté d’un concept original, le long-métrage parvient à proposer une réflexion très intéressante sur la manipulation du temps. À voir en salles.