Après avoir réalisé plusieurs films de superhéros pour Marvel Studios, dont Avengers: Endgame, Anthony et Joe Russo sont de retour avec un nouveau projet: Cherry. Dans ce long-métrage, les réalisateurs racontent la descente aux enfers d’un jeune vétéran de guerre américain. Intrigant, ce pitch s’éloigne radicalement de leurs productions superhéroïques habituelles. Disponible sur Apple TV+, Cherry bénéficie d’un beau casting, avec notamment Tom Holland (Spider-Man dans les films de Marvel Studios). Cependant, malgré une histoire prometteuse, le long-métrage déçoit.
Adapté du roman semi-biographique de Nico Walker, Cherry raconte l’histoire d’un ancien aide-soignant de l’armée américaine (Tom Holland). À son retour de la guerre d’Irak, il est atteint de stress post-traumatique. Pour réduire la douleur qu’il ressent, il se met à consommer des drogues dures. À court d’argent, il décide de braquer des banques afin de financer son addiction…
L’évolution des frères Russo
Après une année 2020 où les Russo ont travaillé en tant que producteurs sur de nombreux films, dont Tyler Rake pour Netflix (lire la critique), les voici de retour à la réalisation en 2021.
Le fait qu’ils aient choisi de réaliser Cherry montre la volonté des deux réalisateurs de changer complètement de registre. Si leurs collaborations avec Marvel Studios a donné un sacré élan à leurs carrières, les frères Russo ont dû suivre un lourd cahier des charges, les restreignant dans leurs possibilités créatives. Cela a donné des films très sympathiques, mais très impersonnels. Cherry est donc l’occasion pour eux de se diriger vers un cinéma plus intime et plus sérieux.
L’expérimentation visuelle
Maintenant qu’ils n’ont plus à coller à la vision d’un studio, on sent dès l’ouverture de Cherry l’envie des frères Russo de se démarquer et de prouver leur valeur. Cela se reflète particulièrement dans une réalisation remplie d’idées visuelles audacieuses. De nombreux effets de style sont utilisés pour accentuer l’effet de certaines scènes, comme des filtres de couleur, des jeux sur la profondeur de champ et des changements de format d’image. Les cinéastes semblent expérimenter, à la recherche des plans les plus impactants et mémorables possibles.
Cependant, si le film enchaîne les idées visuelles et les choix de mise en scène ambitieux, il le fait malheureusement au détriment de son propos. Car raconter la descente aux enfers du personnage principal sert à dénoncer un système qui délaisse ses vétérans, et condamne nombre d’entre eux à la misère. Malheureusement, cette intention est constamment déjouée par la réalisation. Celle-ci met tellement d’emphase sur les effets de style que le propos semble mis de côté. L’obsession des Russo pour le visuel ennuie, et donne vite l’impression que les réalisateurs en font trop.
Malheureusement, les choix qui sabotent le long-métrage ne s’arrêtent pas là. Le film est également alourdi par des procédés de narration douteux. Par exemple, une voix-off est utilisée de manière récurrente, et se contente d’expliquer ce que le spectateur voit déjà à l’écran. Avec ce genre de décisions, qui viennent surligner une réalisation déjà bien démonstrative, Cherry perd en subtilité et en impact.
Pour enfoncer le clou, le film n’est pas aidé par un scénario qui évacue toute forme d’enjeux et de tension. Avec ses 2h20, Cherry paraît bien long.
Un film en retard sur son temps
Cherry donne également l’impression d’être sorti des années trop tard. Cela fait longtemps que les sujets de la guerre et du stress post-traumatique ont été traités à de multiples reprises au cinéma. Dès lors, le long-métrage passe par tous les passages obligés, sans parvenir à apporter quelque chose de vraiment nouveau.
Un casting de haute volée
Néanmoins, tout n’est pas à jeter dans Cherry. Derrière la lourdeur de la démonstration technique des Russo se cachent également de grandes qualités.
Le casting est sûrement le plus gros point fort du long-métrage. Tom Holland, au sommet de son art, prouve une nouvelle fois qu’il est un excellent acteur. Avec une facilité ahurissante, il arrive à incarner les nombreuses facettes de son personnage. Du soldat infirmier désorienté au junkie aux abois, Holland passe par toutes les émotions. Le reste du casting est également très bon, même si moins mémorable que le comédien principal. Si les Russo n’arrivent pas vraiment à convaincre à la réalisation, ils montrent tout de même leur savoir-faire en ce qui concerne la direction d’acteurs.
À la musique, Henry Jackman fait du très bon travail et certains thèmes musicaux restent en tête après le visionnage. Notamment The Comedown, morceau qui accompagne le climax du film de manière très réussie.
Le casting, la musique et quelques effets de réalisation permettent à certaines scènes de briller. On regrettera que ces séquences soient bien peu nombreuses sur la longueur totale du film.
Cherry est donc un gâchis des plus regrettables. Malgré les bonnes intentions des frères Russo, le long-métrage privilégie les prouesses techniques au détriment de son message. On retiendra tout de même une bonne bande originale, des beaux plans, quelques scènes émouvantes, et surtout un Tom Holland impérial, qui porte le film à lui tout seul.
Fiche d'informations du film
Titre : Cherry
Genre: Drame, Thriller, Biopic
Réalisateurs: Anthony Russo, Joe Russo
Scénaristes : Angela Russo-Otstot, Jessica Goldberg, d’après le roman Cherry de Nico Walker
Acteurs : Tom Holland, Ciara Bravo, Jack Reynor
Photographie: Newton Thomas Sigel
Musique: Henry Jackman
Durée : 2h22
Date de sortie : 12 mars 2021