The Guilty – Le remake inutile d’un film génial – Critique

Pourquoi faire un remake d’un film si c’est pour raconter quasiment la même histoire que l’original ? Cette question s’applique au thriller The Guilty, sorti récemment sur Netflix. Il s’agit d’un remake d’un film du même nom, sorti en 2018. Si la nouvelle version n’est pas forcément mauvaise en soi, elle rappelle surtout à quel point le long-métrage de 2018 était génial.

The Guilty (2018)

Une femme, victime d’un kidnapping, contacte les urgences de la police. La ligne est coupée brutalement. Pour la retrouver, le policier qui a reçu l’appel (Jakob Cedergren) ne peut compter que sur son intuition, son imagination et son téléphone…

Réalisé par Gustav Möller, The Guilty est un thriller danois. C’est également le premier film de son cinéaste. À la sortie du long-métrage en 2018, J’avais eu la chance de le voir en salles. Et le choc avait été de taille. Le film s’était révélé être une expérience de cinéma fascinante.

Dès les premiers plans, nous suivons le personnage principal, un policier dans le centre des urgences de la police. Le film prend son temps, nous montrant le protagoniste prendre les appels d’urgence, et essayer de régler les situations les unes après les autres. Très rapidement, le spectateur ressent, au travers des expressions du personnage principal, la frustration émotionnelle, le stress et le côté répétitif de ce travail. Le réalisateur installe donc une certaine routine à l’écran, avant de passer aux choses sérieuses…

La frustration du personnage

C’est avec l’appel en apparence anodin d’une femme que les choses vont se compliquer. Au téléphone, le policier sent la détresse dans la voix de son interlocutrice. Le personnage est particulièrement impuissant, car il est contraint à rester devant son bureau, loin de l’action. De ce fait, sa capacité à comprendre les situations se limite à ce qu’il entend au téléphone. Sa seule possibilité d’action est d’appeler la police de terrain, de leur transmettre les informations recueillies et de compter sur eux pour résoudre le problème.

Le spectateur ressent donc toute la frustration de ce personnage, qui mène l’enquête à distance, et rassemble petit à petit les informations. Si ce protagoniste n’est pas le policier le plus recommandable, le fait de le voir faire tout son possible pour sauver des gens et réparer les erreurs qu’il a faites le rend vite très attachant.

La grande force de The Guilty est de réussir à rendre cette intrigue captivante, alors qu’elle se déroule dans un unique lieu. Pendant toute son enquête, le policier ne perçoit les événements de l’extérieur que par ce qu’il entend au téléphone. Cela amène le spectateur à imaginer et à interpréter ce qui est en train de se passer, tout comme le policier. Un procédé extrêmement efficace, qui nous implique dans le film. Comme le personnage principal, il nous faut avoir le fin mot de l’histoire. Plus le long-métrage avance, plus le protagoniste vacille sous la pression. La tension monte donc crescendo, et les retournements de situation s’enchaînent…

Une réalisation très efficace

Gustav Moller traduit la descente aux enfers du protagoniste dans sa mise en scène. Au début du film, le personnage est dans un espace de coworking très lumineux, entouré de personnes répondant aux appels de secours. Ensuite, il s’enferme dans une salle sombre, ferme les stores, et se retrouve dans le noir complet. Une mise en scène sobre, mais très efficace dans sa démarche.

De plus, la réalisation met remarquablement en lumière le jeu d’acteur de Jakob Cedergren, qui incarne le personnage principal. Tout en retenue, le comédien livre une performance impressionnante. À lui seul, il porte le film, arrivant, par ses gestes et ses regards, à révéler beaucoup d’informations sur le protagoniste. Et si son jeu est en retenue, c’est aussi pour mieux exploser à d’autres moments, avec un impact décuplé.

Avec son premier long-métrage, Gustav Möller impressionne. Maîtrisé de bout en bout, le film nous fait vivre la descente aux enfers d’un personnage à travers une enquête passionnante. Avec des acteurs impliqués et une réalisation très efficace, The Guilty captive et fascine.

The Guilty (2021)

Malheureusement, avec une telle réussite, il a fallu peu de temps pour qu’un remake ne soit réalisé du côté des États-Unis. Produit par Netflix et réalisé par Antoine Fuqua (Training Day, Tears of the Sun), The Guilty version 2021 semblait dès le départ s’aventurer sur un terrain miné. En effet, pourquoi refaire un film déjà excellent? Et comment arriver à se le réapproprier pour éviter d’être une pâle copie de l’original?

Dès la bande-annonce, le remake a renforcé mes inquiétudes en semblant reprendre à la lettre l’intrigue du long-métrage de 2018. Et celles-ci se sont confirmées pendant le visionnage de cette nouvelle version.

Néanmoins, nuançons quelque peu les choses. Si l’on ne connaît pas l’original, ce nouveau The Guilty peut divertir et plaire. L’intrigue, même si largement reprise sur la version de 2018, reste une construction scénaristique réussie et intéressante. De plus, ce remake est aidé par la très bonne performance de Jake Gyllenhaal (Prisoners, Night Call), qui porte le film à lui tout seul.

Une copie conforme

Mais, pour ceux qui ont vu l’original, le long-métrage apparaitra vite comme une pâle copie. Les lignes de dialogues sont majoritairement les mêmes, donnant l’impression que le scénariste s’est contenté de traduire le script du film danois. Mais cette nouvelle version perd surtout en subtilité. Car si l’oeuvre originale arrivait à faire passer beaucoup d’émotion dans une suite de regards et de silences, le remake perd complètement ce savoir-faire. En effet, l’interprétation de Gyllenhaal, bien que très bonne, est constamment dans le surjeu. L’acteur en fait des caisses pour montrer sa colère, son stress et sa frustration et faire comprendre son mal-être profond au spectateur. Un résultat grossier, pour tenter d’en faire plus que son prédecesseur, mais sans y arriver.

Ce remake de The Guilty est donc très dispensable. S’il n’est pas mauvais en lui-même, il n’a rien à apporter à l’oeuvre originale, se contentant d’en répéter machinalement les péripéties. En résumé, c’est le même film, mais en (beaucoup) moins bien.