Promising Young Woman – Un film ambitieux et marquant – Critique

Parfois, ce sont les films qu’on attend le moins qui nous marquent le plus. C’est le cas de Promising Young Woman, qui n’était pas un long-métrage qui m’intéressait particulièrement. Cependant, l’engouement autour du film et les retours critiques très positifs m’ont donné envie de le voir. Et j’ai bien fait. Je suis ressorti de la salle de cinéma surpris et impressionné par le film, qui n’a pas fini de faire parler de lui.

Promising Young Woman raconte l’histoire de Cassie (Carey Mulligan), une jeune femme qui ambitionnait de devenir médecin, jusqu’à ce qu’un événement tragique ne vienne briser ses rêves. Des années plus tard, elle est serveuse dans un café, loin de ses ambitions passées. Toujours hantée par la tragédie qui a changé sa vie, elle cherche vengeance et justice. Une nuit par semaine, elle sort dans un bar où elle fait semblant d’avoir trop bu. À chaque soirée, un homme prétendument sympathique propose de la ramener et essaye d’abuser d’elle. Jusqu’à ce qu’elle reprenne le pouvoir et l’humilie…

Au premier abord, Promising Young Woman se présentait comme un représentant du rape and revenge. Ce genre repose sur un principe tout simple : une héroïne, violée et laissée pour morte, va se venger de son agresseur. S’ensuit souvent un règlement de compte sanglant.

Au vu des bandes-annonces, Promising Young Woman semblait au premier abord reprendre les codes issus de ce genre. Cependant, après avoir vu le film, on se rend compte qu’il est bien plus nuancé que ce que la campagne de promotion voulait bien en montrer. Car si le long-métrage reprend les codes et l’imagerie du rape and revenge, c’est surtout pour les détourner et en faire autre chose de beaucoup plus intéressant et réfléchi.

Le premier film d’Emerald Fennell

Avec Promising Young Woman, la réalisatrice britannique Emerald Fennell signe son premier film. Auparavant, elle était connue en tant que showrunneuse sur la saison 2 de Killing Eve, mais également en tant qu’actrice dans The Crown. Ce passage à la réalisation lui a réussi, car le long-métrage a reçu de multiples récompenses, notamment celle du meilleur film britannique de l’année aux BAFTA Awards, ou encore le prix du meilleur scénario original aux oscars.

Le jeu sur les apparences

Le film s’ouvre sur une scène ou un homme emmène une femme ivre morte chez lui, pour ensuite tenter d’abuser d’elle. Dès le départ, le long-métrage joue sur les apparences et interroge le spectateur. A qui peut-il vraiment faire confiance ? La jeune femme faussement ivre, ou l’homme qui prétend l’aider alors qu’il cherche à abuser d’elle ? Fennell brouille donc les pistes et déjoue les attentes du spectateur.

Dans la même optique, on aurait pu s’attendre, dans ce genre de films, à un déferlement de violence où les gerbes de sang seraient omniprésentes. Mais ce n’est heureusement pas le cas. Car plutôt que de sombrer dans cet écueil, le long-métrage préfère explorer en profondeur des thématiques brûlantes d’actualité.

La question des abus sexuels

Dans son scénario, Emerald Fennell aborde frontalement la question des abus sexuels. Durant le film, Cassie cherche à venger le viol de sa meilleure amie. Le récit met alors en lumière les difficultés qu’ont les femmes à être crues quand elles sont victimes d’agressions sexuelles. Car la parole des présumés coupables sera très souvent plus écoutée que la leur. Aborder cette thématique d’un point de vue féminin est particulièrement intéressant, car si de nombreux films ont montré les conséquences des accusations de viols sur les personnes soupçonnées, peu ont abordé les impacts des abus sexuels sur les victimes. De ce point de vue, le film frappe juste et fort, en apportant au sujet une fraîcheur bienvenue.

Les thématiques abordées apportent donc une certaine noirceur à l’histoire. Cependant, une des grandes forces du film est qu’il arrive à y distiller un humour noir qui fait rire autant qu’il met mal à l’aise. D’ailleurs, Promising Young Woman va constamment provoquer chez le spectateur des sentiments très contradictoires. Avec des ruptures de ton efficaces, le film arrive à passer de l’espoir au désespoir, de l’amour à la violence, ou encore de la comédie romantique au film d’horreur. Ces changements de tonalité sont soutenus par un casting au jeu irréprochable. Mention spéciale à Carey Mulligan, qui incarne avec une grande justesse l’héroïne principale.

Très bien servis par l’écriture d’Emerald Fennell, les personnages sont un des grands points forts du film. Très attachants et humains, ils gagnent vite l’affection du spectateur, dans leurs moments les plus heureux comme dans les plus sombres.

La pertinence de la vengeance

Si Fennell se montre particulièrement critique envers le manque d’empathie du système concernant les victimes d’abus sexuels, elle apporte à l’histoire beaucoup de nuances. Car le propos du film n’épargne pas non plus le personnage de Cassie, et questionne la pertinence de sa vengeance. Si son acharnement à se venger est compréhensible, et qu’on rentre en empathie avec elle, les méthodes douteuses de l’héroïne poussent constamment le spectateur à s’interroger. Et même à redouter ce qui pourrait arriver à l’héroïne si elle continue sur cette voie.

Grâce à une grand maîtrise de la narration et des personnages complexes, Promising Young Woman captive. La fin du film, forte en émotions, en surprendra plus d’un.

Vous l’aurez compris, j’ai beaucoup aimé ce film. Cependant, c’est le genre de long-métrage qui ne plaira pas à tout le monde. Certains pourront être rebutés par la noirceur du film. Mais Promising Young Woman est une expérience de cinéma qui m’a profondément secoué. Le film vaut le détour rien que pour les discussions et réflexions après la séance de cinéma, car il ne laisse pas son public indifférent. Loin de là.