Initialement, montrer les origines du Joker semblait improbable. Ce personnage, ennemi juré de Batman, est au fil du temps devenu un méchant culte, autant dans l’histoire des comics que du cinéma.
Une icône du chaos
Depuis toujours, le Joker est un personnage qui a fasciné les foules. Très énigmatique et terrifiant, il est une représentation du chaos, de la folie. On ne sait pas d’où vient cet être fou et redoutablement intelligent. Certaines histoires ont tenté de lui donner une origine plus claire, mais elles n’ont souvent pas été bien accueillies. Ne pas donner d’origin-story au Joker le rend plus terrifiant, car plus mystérieux.
En 2016, Warner Bros a annoncé qu’un film sur les origines du Joker était en préparation. Après cette annonce, la méfiance était de mise. Le long-métrage allait prendre le risque de démystifier l’icône du mal qu’est le Joker.
De plus, le choix du réalisateur n’était pas des plus rassurants: Todd Phillipps, qui avait mis en scène la trilogie Very Bad Trip et le plutôt sympathique War Dogs. Ce cinéaste ne semblait au premier abord pas être un choix particulièrement intéressant pour tourner un film de cette envergure. Phillips a également été annoncé comme scénariste, accompagné de Scott Silver (The Fighter). Cependant, les arrivées de Martin Scorsese en tant que producteur et de l’excellent acteur Joaquin Phoenix pour incarner le Joker m’ont fait m’intéresser au projet.
Plus tard, la première bande-annonce, pleine de promesses, est arrivée et a transformé Joker en gros événement de 2019, grâce à une promo bien menée. Le film a été projeté dans de grands festivals qui l’ont accueilli avec des critiques dithyrambiques, ce qui n’a fait que renforcer l’attente des spectateurs.
Au final, Joker est une expérience de cinéma incroyable.
La réalisation grandiose du film nous plonge dans un Gotham City décadent des années 1980, où les ordures s’empilent.
Dans ce décor, Joaquin Phoenix rayonne dans une extraordinaire performance du Joker, qui porte le nom d’Arthur Fleck. À la fois très théâtral et tout en nuances, le jeu du comédien fascine et accroche le spectateur dans un parcours de personnage qui ne laissera personne indifférent.
Arthur Fleck, un homme mentalement instable, peine à s’intégrer dans la société. Il évolue dans un Gotham City en crise, où la tension monte.
Dans les classes inférieures, la colère règne et les temps sont durs. Face à cette société décadente, Fleck va peu à peu sombrer dans la folie et la criminalité…
Dans son scénario, le film aborde beaucoup de thématiques très actuelles, comme l’utilisation des armes à feu, les maladies mentales, ainsi que le rejet de l’anormalité selon les standards de la société.
Un personnage ambigu
La première chose qui marque dans ce film est le personnage d’Arthur Fleck, qui est vraiment dérangeant. De scène en scène, il amène au spectateur tout plein d’émotions, souvent contradictoires. On ressent un mélange de pitié, de fascination mais aussi de dégoût pour lui. On a pitié de ce personnage quand on le voit comme victime de la société, mais on se retrouve à la fois dégoûté et fasciné par les actions horribles avec lesquelles il répond aux injustices de sa vie, notamment en commettant des assassinats. Il y a une véritable ambiguïté avec la perception qu’on a de Fleck de scène en scène. Cela crée une distance entre le spectateur et le personnage, le film ne cautionnant aucun des crimes commis de sa main. C’est également ce qui rend ce Joker fascinant à observer.
Le film prend le parti pris de ramener l’icône du mal qu’est le Joker à quelque chose de plus humain à l’aide du personnage d’Arthur Fleck. La démarche peut sembler farfelue, mais elle est porteuse de l’idée que tous les monstres ont été avant tout des êtres humains, comme tout le monde. Le mal peut donc venir de n’importe où. Une idée effrayante, très bien exploitée dans le film de Todd Philips.
Je suis ressorti très content de ma séance de cinéma pour Joker. C’est un excellent film, qui accompagne le spectateur bien après la séance, amenant réflexions et débats. Le long-métrage va diviser par sa prise de position radicale sur des sujets de société très sensibles. Ce n’est pas une oeuvre qui va plaire à tout le monde, mais elle va sûrement laisser un souvenir intense à ses spectateurs. C’est un vrai bonheur d’avoir en 2019 un film de studio qui se permet d’aller aussi loin dans son propos. Joker souffle un vent rafraîchissant sur le cinéma d’adaptation de comics de ces dernières années, ce qui fait vraiment plaisir.
Fiche d'informations du film
Titre : Joker
Genre: Drame
Réalisateur : Todd Phillipps
Scénaristes : Todd Phillipps, Scott Silver
Acteurs : Joaquin Phoenix, Robert de Niro, Zazie Beetz
Photographie: Lawrence Sher
Musique: Hildur Guðnadóttir
Durée : 2h02
Date de sortie : 9 octobre 2019